Petites élucubrations d’une professeure masquée

Premier jour de rentrée, nouvel établissement.
J’arrive devant le portail gris et grinçant de collège du quartier, je prends une dernière grande inspiration… et m’étouffe dans le papier stérile de mon masque.
Je m’avance dans des couloirs colorés, manifestement neufs et désinfectés, aseptisés.
Je ne découvre que des yeux et des voix, on montre des demi-visages souriant à la foule en se levant pour se présenter.
J’étouffe.
Le repas commence, découverte de bouches disgracieuses, mastiquantes et corps professoral ruminant.
Postillons à la pizza végétarienne sur le col d’un collègue happe mon regard quand il vient me parler.
Clan de matière, clan de stagiaire.
Je suis un animal perdu au milieu des scientifiques.
Premiers élèves en effervescence.
Des mignons sans bouches dévalent les escaliers.
Raz-de-marée de cancrelats anonymes qui se retrouve face à des bonzes sans bouches.
Une engueulade sans source.
Fou rire général d’yeux.
Premier malaise de l’année.
Pose cigarette obligatoire pour respirer un air pollué avec mon vrai nez.
Bouffée de fraîcheur.
Condamnée à avoir une haleine nickel pour ne pas me rappeler que j’ai mangé mexicain ce midi.
Glace au menthol obligatoire en dessert.
Adieu le tacos de mi-journée de cours.
Bonjour à la salade verte sans viande au fromage sans trop de goût.
Plus de dernière raclette de l’été.
Voici venir la pomme grignotée.
Réunion tirant sur mes poumons auto-respirants.
Deuxième malaise de l’année.
J’arrête de tenir mes comptes.